Contestation de l’avis d’inaptitude : les nouvelles règles au 1er janvier 2018

Un an après la mise en place de la réforme de la procédure de contestation de l’avis d’inaptitude issue de la loi Travail, des correctifs sont apportés par un décret publié ce week-end : suppression de la désignation d’un médecin expert, extension du recours aux éléments non médicaux…

Depuis le 1er janvier 2017, pour contester l’avis d’inaptitude (ou d’aptitude) ou toute autre mesure émise par le médecin du travail, le salarié ou l’employeur doit saisir le conseil de prud’hommes en la forme des référés, dans les 15 jours à compter de leur notification. Mais face aux difficultés pratiques de mise en œuvre, cette nouvelle procédure a fait l’objet de correctifs dans l’ordonnance du 22 septembre 2017 consacrée à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail. Un décret était nécessaire pour que ces correctifs entrent en application. Il a été publié le 17 décembre 2017.

La nouvelle procédure, présentée ci-après, s’applique aux instances introduites à compter du 1er janvier 2018. Les contestations engagées avant cette date restent soumises à la procédure issue de la loi Travail du 8 août 2016.

C’est la loi Travail du 8 août 2016 qui a réformé la procédure de contestation de l’avis d’aptitude ou d’inaptitude. Auparavant, le recours devait être porté devant l’inspecteur du travail. L’ordonnance du 22 septembre 2017 ne modifie pas la compétence du conseil de prud’hommes siégeant en la forme des référés.

Suppression de la désignation d’un médecin expert

Depuis le 1er janvier 2017, l’employeur ou le salarié qui conteste l’avis d’aptitude ou d’inaptitude doit saisir le conseil de prud’hommes d’une demande de désignation d’un médecin expert inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel. Mais cette solution se heurte à un important problème pratique : la pénurie de médecins experts en médecine du travail empêche les conseils de prud’hommes d’en désigner un dans un délai raisonnable.

A compter du 1er janvier 2018, l’obligation de désigner un médecin expert est supprimée. Dorénavant, il appartiendra au conseil de prud’hommes de décider ou non de confier toute mesure d’instruction au médecin-inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. La désignation du médecin-inspecteur du travail n’est qu’une faculté.

Si le médecin-inspecteur du travail territorialement compétent n’est pas disponible ou est récusé, un autre médecin-inspecteur du travail peut être désigné.

A noter que les médecins-inspecteurs du travail, même s’ils sont plus nombreux que les médecins experts ne sont que 31 en 2017 dans toute la France, ce qui peut être un frein à la rapidité et à l’efficacité de la procédure. En revanche, le recours au médecin-inspecteur sera moins onéreux que celui du médecin expert : le rapport d’expertise de ce dernier coûte environ 600 euros.

C’est le président du conseil de prud’hommes qui fixera la rémunération du médecin-inspecteur du travail, comme il le faisait dans la procédure actuelle pour le médecin-expert.

Une extension de l’objet de la contestation ?

La loi Travail du 8 août 2016 avait limité la contestation aux seuls « éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail ». L’ordonnance ainsi que son décret d’application modifient cette rédaction : la contestation pourra porter sur »les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale émis par le médecin du travail ».

La contestation ne peut pas porter sur l’attestation de suivi. Ce document, remis au salarié à l’issue de sa visite de reprise (lorsqu’il n’est pas déclaré inapte), n’est en effet pas visé par le texte.

Possibilité pour l’employeur de mandater un médecin

Dans le cadre de la nouvelle procédure de contestation, l’employeur pourra demander la  notification des éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail à un médecin qu’il aura mandaté (article L. 4624-7, II du code du travail). Le salarié sera informé de cette notification.

Il ne s’agit pas d’un médecin désigné pour effectuer une contre expertise mais d’un médecin chargé d’assurer le respect du secret médical en communiquant à l’employeur un avis sans lui divulguer les éléments médicaux du dossier. Ce dispositif permet de respecter ainsi le principe du contradictoire tout en préservant le secret médical.

Substitution de l’avis par la décision prud’homale

Aujourd’hui, la décision de référé prise dans le cadre d’une contestation de l’avis d’aptitude ou d’inaptitude ou d’une autre mesure du médecin du travail, se substitue aux seuls éléments de nature médicale justifiant cet avis ou cette mesure. Cette solution posait des problèmes pratiques car elle maintenait l’avis ou la mesure initiale prise par le médecin du travail pour les éléments « non médicaux ». Dans la nouvelle procédure, la décision du conseil de prud’hommes se substituera entièrement aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications du médecin du travail.

Cette solution de substitution de l’avis d’inaptitude était celle prévue dans la procédure applicable avant la réforme de la loi Travail du 8 août 2016 lorsque c’était l’inspecteur du travail qui était compétent. On peut donc penser que la jurisprudence sur les effets de cette substitution rendue sous l’empire de la législation antérieure à la loi du 8 août 2016 est transposable, notamment le fait qu’en l’absence de contestation dans les 15 jours, l’avis d’inaptitude initial ne puisse plus être contesté et s’impose aux juges et aux parties (arrêt du 21 septembre 2017).

Prise en charge des frais d’instruction et d’honoraires

Dans la procédure de contestation actuelle, la formation des référés peut décider de ne pas mettre les frais d’expertise à la charge de la partie perdante, dès lors que l’action en justice n’est pas dilatoire ou abusive. L’ordonnance du 22 septembre modifie cette procédure. A compter du 1er janvier 2018, le principe posé est que les honoraires et frais liés à la mesure d’instruction sont mis à la charge de la partie perdante, sauf si le conseil de prud’hommes, par décision motivée, n’en met la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

Cette modification pourrait en pratique faire peser sur le salarié perdant l’ensemble des frais de procédure, notamment ceux liés à la mission du médecin expert mandaté par l’employeur. C’est pourquoi le projet de loi de ratification des ordonnances (adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 28 novembre) prévoit un retour à la rédaction antérieure du texte.

Les sommes dues au médecin-inspecteur doivent être provisionnées et consignées à la Caisse des dépôts et consignations. Elles seront libérées sur présentation de l’autorisation du président de la formation de référé.