Les délais et conditions dans lesquels les motifs du licenciement peuvent être précisés sont fixés

Un décret applicable aux licenciements prononcés à compter du 18 décembre 2017 fixe le délai dans lequel le salarié peut demander à l’employeur de préciser les motifs de son licenciement. Ce texte prévoit la forme que doit revêtir cette demande et encadre le délai et la forme de la réponse éventuelle de l’employeur.

L’employeur se doit d’être extrêmement rigoureux quant à l’énoncé des griefs invoqués à l’encontre du salarié dans la lettre de licenciement. Ces motifs fixent en effet ce qu’on appelle les limites du litige. Jusqu’à aujourd’hui, impossible, une fois le licenciement notifié, d’y apporter des modifications. Le juge statuait sur ces motifs et sur rien d’autre.

Si cette règle jurisprudentielle est maintenue, elle a néanmoins été aménagée par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, publiée au Journal officiel du 23 septembre. Ce texte prévoit que les motifs contenus dans la lettre pourront être précisés par l’employeur, soit de sa propre initiative, soit à la demande du salarié, après la notification du licenciement.

Dans le projet d’ordonnance, il était prévu que l’employeur puisse non seulement préciser les motifs énoncés dans la lettre de licenciement mais également les compléter. Il pouvait donc en ajouter. La version définitive du texte lui permet seulement de les préciser a posteriori. Il ne peut donc en aucun cas en ajouter de nouveaux.

Ce n’est qu’après ces éventuelles précisions que les limites du litige seront fixées (article L. 1235-2 du code du travail). L’employeur a donc désormais droit à une « seconde chance ». Mais l’entrée en vigueur de cette mesure nécessitait la publication d’un décret devant fixer les délais et les conditions dans lesquels l’employeur pouvait user de ce nouveau droit à l’erreur.

Ce décret est applicable aux licenciements prononcés à compter du 18 décembre 2017, soit, à notre sens, aux licenciements notifiés à compter de cette date.

15 jours pour préciser, demander des précisions ou y répondre

Ce décret est paru au Journal officiel du 17 décembre 2017. Il crée deux nouveaux articles dans le code du travail, strictement identiques :

  • le premier, l’article R. 1232-13, dans la partie relative au licenciement pour motif personnel ;
  • le second, l’article R. 1233-2-2, dans celle relative au licenciement pour motif économique.

Le salarié a désormais 15 jours à compter de la notification de son licenciement pour demander à l’employeur de préciser les motifs énoncés dans la lettre. Cette demande doit être faite par lettre recommandée avec avis de réception ou être remise à l’employeur contre récépissé.

L’employeur dispose ensuite à son tour de 15 jours à compter de la réception de la demande du salarié pour apporter, le cas échéant, lesdites précisions, là encore par lettre recommandée avec avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge.

Mais l’employeur peut également, de sa propre initiative, préciser les motifs de licenciement invoqués à l’encontre du salarié. Il a également 15 jours pour le faire, dans les mêmes formes (lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé).

A défaut de précision sur ces délais de 15 jours, il convient à notre sens de considérer qu’il s’agit de jours calendaires.

Une incertitude sur les conséquences d’une demande de précision restée sans réponse

Le décret n’en dit pas plus… Que se passera-t-il si le salarié demande des précisions à l’employeur mais que ce dernier n’y répond pas ? L’employeur semble pouvoir en rester là. Le décret précise en effet qu’il « dispose d’un délai de 15 jours (….) pour apporter des précisions s’il le souhaite ». Rien ne semble donc le contraindre à répondre à la demande du salarié, ni tout du moins à informer ce dernier qu’il ne souhaite pas préciser les motifs initialement invoqués dans la lettre de licenciement.

Rappelons que désormais, si le salarié à qui le licenciement a été notifié n’a pas demandé à l’employeur de préciser les motifs invoqués dans la lettre de licenciement et que le juge caractérise par la suite une insuffisance de motivation, celle-ci ne privera plus à elle seule le licenciement de cause réelle et sérieuse. Cette irrégularité ouvrira droit à une indemnité qui ne pourra pas excéder un mois de salaire (article L.1235-2 du code du travail).

Mais quid de l’hypothèse précitée dans laquelle le salarié a demandé à l’employeur de préciser lesdits motifs de licenciement mais que cette demande est restée lettre morte ? Le juge prud’homal pourrait-il, s’il estime que le licenciement est insuffisamment motivé, considérer que le licenciement est cette fois-ci dépourvu de cause réelle et sérieuse ?

Si le licenciement est insuffisamment motivé et est également dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié sera indemnisé en fonction du barème obligatoire reproduit à l’article L. 1235-3 du code du travail (article L. 1235-2). En d’autres termes, les deux indemnités ne se cumuleront pas. L’indemnité versée au salarié pour réparer le licenciement abusif inclura l’indemnité prévue pour insuffisance de motivation.

La possibilité offerte au salarié de demander des précisions sur les motifs de son licenciement doit-elle être mentionnée dans la lettre de licenciement?

Ni l’ordonnance ni le décret ne font expressément obligation à l’employeur d’informer le salarié, dans la lettre de licenciement ou par tout autre moyen, de la possibilité qui lui est offerte de demander des précisions sur le ou les motifs de son licenciement. Si cette information est présente dans lesdifférents projets de modèles de lettres de licenciement qui devraient être prochainement publiés par décret, le recours à ces modèles restera facultatif. Ainsi, les employeurs qui décideraient de ne pas les utiliser devront-ils néanmoins intégrer cette mention dans leurs lettres de licenciement? A priori non, même si, pour plus de sécurité, il semblerait judicieux qu’elle y figure.

Cette procédure a-t-elle un impact sur le point de départ du délai de prescription de 12 mois?

La procédure de demande de précision pouvant être enfermée dans un délai d’un mois (le salarié ayant 15 jours pour demander des précisions, l’employeur en ayant également 15 pour répondre), est-elle susceptible de suspendre le délai de prescription de 12 mois dont dispose le salarié pour contester son licenciement? Ce délai court en effet à compter de la notification de la rupture. Ou doit-on considérer que le point de départ de ce délai reste identique? Dans ce cas, la procédure de précision pourrait, le cas échéant, réduire d’un mois le délai de prescription déjà récemment réduit de moitié.

Pour mémoire, l’ordonnance précitée a introduit une distinction entre l’action portant sur l’exécution du contrat de travail et celle portant sur la rupture du contrat de travail. Si la première se prescrit toujours par 24 mois, l’action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit désormais par 12 mois à compter de la notification de cette dernière (article L.1471-1, alinéa 2). En d’autres termes, un salarié qui entend contester son licenciement en justice a donc 12 mois pour agir. Au-delà, sa demande sera jugée irrecevable.

 

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